know the way and still so lost (will)

Mon coeur bat la chamade lorsque je quitte la scène pour retourner aux vestiaires, je me sens humiliée et sale, je déteste ces nuits au club. Les yeux mouillés de larmes je n'veux croiser personne, je balance mes affaires dans mon sac sans faire attention et me dépêche de quitter ce lieu le plus rapidement possible. Je m'en veux d'être dépendante d'un tel endroit, de n'avoir trouvé que ça pour gagner quelques billets, de ne pas être capable de tout quitter parce que les menaces du patron m'effraient. J'aimerai être forte et libre, prendre des décisions sans avoir peur et surtout effacer tous ces horribles souvenirs qui me hantent chaque jours. Ces souvenirs qui m'empêchent d'avancer, qui me font sombrer peu à peu. J'enfile un vieux jean et un gros pull, ne voulant pas laisser apparaître ma peau nue. Les rues de Dayton sont dangereuses et les hommes du quartier ne se gêneraient pas pour sauter sur la strip-teaseuse du coin. Personne ne doit savoir, je ne veux pas être reconnue, laissez-moi me cacher. Je retire ma perruque colorée avant de quitter ce club infâme par la porte de service. Je descends d'un pas rapide les quelques marches qui mènent jusqu'à la rue. Je suis épuisée, je rêve d'un petit appartement équipé d'un lit. Juste un lit ou un canapé, peu importe je ne suis pas difficile. Un matelas serait très bien. Je ne supporte plus la plage, je n'en peux plus de traverser tout Perth pour trouver un endroit où dormir.

Je soupire, relève la tête et m'immobilise. Un homme se tient devant moi, son visage est éclairé par le seul lampadaire de la rue. Je le reconnais, c'est lui, oui, je n'en doute pas une seule seconde. Comment oublier son regard après avoir passé une journée entière à l'admirer? Je reste muette un instant, incapable de réagir et totalement déboussolée. La jeune femme douce et timide qu'il a ramassé en stop sur le bord de la route n'est qu'en réalité une vulgaire strip-teaseuse du Coyote Club. Je tremble, bafouille quelques sons inaudibles, mon dieu comme je dois avoir l'air ridicule. J'aimerais m'enfuir en courant mais impossible, mes pieds sont fixés au sol. Mes yeux sont rivés sur ce presque-inconnu qui a ce don de me perturber totalement. Je suis perdue, trop de questions se battent dans ma tête. Qu'est-il en train de penser, et surtout que fait-il ici? A t-il assisté au spectacle? Cette dernière idée me donne la nausée.

William secoua résolument la tête. « C'est une blague ? » Un sourcil froncé, un sourire moqueur accroché aux lèvres, il détaillait l'entrée sans chercher à cacher son amusement. Michael, l'un des nombreux étudiants qu'il croisait dans son amphithéâtre, avait réussi par on ne sait quel miracle à le traîner jusqu'à la porte du Coyote Club. Ils devaient passer une soirée magique d'après le jeune. Malheureusement, lui et William ne semblaient pas avoir la même définition de la chose. Ryan n'était pas connu pour fréquenter ce genre d'endroit. Les rares fois où il mettait les pieds dans Dayton Street pouvaient se compter sur les doigts d'une main. Il se considérait bien au-dessus de tout ça. Fréquenter un club de strip-tease de bas étage n'était pas de son rang. Il aimait se considérer comme le riche héritier qu'il était. Gosse de riches, seul enfant capable d'honorer les désirs de son paternel, il se suffisait de cette situation. Pour s'amuser, il n'avait pas besoin de venir s'entasser dans une cave malfamée. « Éclate-toi bien mon pote. » Un coup porté sur l'épaule de Michael et William faisait déjà demi-tour. L'autre aurait pu tout tenter que jamais il ne serait entré dans le Coyote Club. De ce qu'on lui en avait dit, il ne retenait que le plus important : des greluches se trémoussant sur scène pendant des heures. Il ne prenait pas de pincettes, aucune paire de gants, il disait ce qu'il pensait, tout ce qu'il pensait. Jamais il ne s'abaisserait à passer le pas de cette porte. Un soupire s'échappa de ses lèvres. D'un geste machinal, William sortit son téléphone portable de sa poche arrière et composa le numéro de Anna. Une sonnerie, deux sonneries, trois sonneries. Les secondes défilaient et personne ne décrochait. Il n'était pas surpris, il en avait l'habitude depuis le temps. Où sa petite amie se trouvait-elle ? Qu'était-elle en train de faire ? Il n'en savait rien et au fond, cela lui était égal. Il comptait simplement sur elle pour occuper sa soirée tombée à l'eau.

Les rues noires de Dayton Street étaient désertes. Les mains désormais rentrées dans les poches de son jean, il marchait, la tête haute. Il n'avait pas peur, on aurait pu l'attaquer à l'instant qu'il n'aurait pas bougé. Trop borné pour s'abaisser au niveau des habitants de ce quartier. Il se stoppa cependant quand il s'engagea dans une nouvelle ruelle. Le visage qui lui faisait fasse, il n'avait pas eu besoin de réfléchir très longtemps pour le reconnaître. Il venait de lui sauter aux yeux, aussi soudainement que la première fois. Elle venait d'apparaître alors qu'il ne croyait plus. Elle se tenait là, debout, devant-lui, aussi belle que la première fois. Il se souvenait de leur journée passée ensemble comme si c'était hier. Cette silhouette, gravée dans son esprit, lui fit esquisser un sourire. Pas ce sourire mauvais qu'il réservait à la plupart des gens, ce sourire sincère qui représentait tout ce qu'il ressentait en la voyant. « Toi. » C'est tout ce qu'il avait trouvé de plus intelligent à dire. Que pouvait-il dire d'autre ? Il avait encore l'impression que ce n'était qu'un mirage. Pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, il s'approcha, et frôla ses cheveux blonds d'un geste des plus délicats. « Je pensais ne jamais te revoir. » Son sourire toujours collé aux lèvres, il la détaillait comme la première fois, il gravait ses traits pour être certain de ne jamais les oublier.

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